Appel à communications – Les années 1920 au Québec : reconfigurations de l’espace culturel et nouvelles modélisations littéraires, artistiques et médiatiques
Université de Montréal
Les 10 et 11 mars 2022
English version follows.
Organisé par Stéphanie Bernier (CRILCQ-Université de Montréal), Vanessa Blais-Tremblay (CRILCQUniversité du Québec à Montréal, IREF), Caroline Loranger (CRILCQ-Université du Québec à Montréal) et Adrien Rannaud (Université de Toronto), dans le cadre des 60e journées d’étude de l’Association québécoise pour l’étude de l’imprimé (AQÉI).
Il est devenu courant de voir s’établir, dans le discours public, un parallèle entre l’époque contemporaine, marquée par l’actuelle pandémie de COVID 19, et la décennie 1920, au sortir de l’épidémie de grippe espagnole de 1918-1919. Si une telle comparaison appelle assurément son lot de nuances (Chabot, 2021), force est cependant de constater que l’espoir des lendemains qui chantent marque aussi le retour d’un imaginaire des « années folles » dans le discours public, chrononyme désignant une période caractérisée par un relatif essor économique, une effervescence sur le plan de la création artistique et culturelle, mais également durant laquelle germent déjà les inquiétudes qui éclateront au grand jour, au lendemain de la crise économique de 1929.
Profitant de cette résurgence des « années folles » dans l’imaginaire collectif actuel, le présent colloque invite les chercheurs et chercheuses en études littéraires et culturelles à revisiter la décennie 1920 au Québec. Cet événement s’inscrit dans la foulée des travaux du collectif La vie littéraire au Québec (Saint-Jacques et Robert [dir.], 2010), et des chantiers engagés autour de l’histoire de la vie culturelle (Cambron [dir.], 2012; Lefebvre, 2016), qui ont montré que les années 1920 sont empreintes d’un sentiment général, analogue à celui que nous connaissons aujourd’hui : l’impression de faire l’expérience d’un monde nouveau. Profondément marquée par le conflit mondial, la démocratisation de l’accès aux nouveaux médias (cinéma sonore, radio, gramophone), le développement de l’industrie du divertissement et par une redéfinition de la culture dans son ensemble, la décennie 1920 est celle du renouveau et de l’innovation. La presse, qui entame une période de maturation inédite à cette époque, accélère la circulation d’autres modes d’expression dans l’espace social et participe à leur implantation (Cambron et al. [dir.], 2018). Au même moment, le système éditorial professionnel se complexifie et permet de rejoindre des lectorats et des publics de plus en plus diversifiés (Michon, 1999). Cet élan original de stratification de l’espace culturel — ici entendu comme le champ global des pratiques littéraires et artistiques — est corrélé à des tentatives de reconfiguration à l’oeuvre dans les productions culturelles et médiatiques, causant des frictions entre le local et le mondialisé qui auront des conséquences majeures sur les discours artistiques, mais aussi sur les positions des acteurs et actrices dans le champ. Parmi les facteurs de redéfinition de la scène culturelle des années 1920, on retiendra l’implication de la communauté gaie dans les théâtres et les cinémas (Dagenais, 2017), le rôle de la communauté Noire dans le développement d’une scène jazz en effervescence à Montréal, et le lancement de la carrière de Mary Travers (La Bolduc), considérée comme la première autrice-compositrice-interprète populaire au Québec. La visibilité des femmes en tant que productrices et réceptrices d’un discours culturel (Savoie, 2014), l’apparition d’une nouvelle génération littéraire tournée vers l’individualisme (Robert, 1989), l’amorce d’un « âge de la critique » (Hébert [dir.], 1992; Cellard et Lambert [dir.], 2018), la circulation transfrontalière accrue des artistes et des oeuvres musicales (P. Bouliane, 2015), ainsi que les conséquences des « retours d’Europe » (Lacroix, 2014) forment également des phénomènes dont on a souvent saisi l’importance structurelle dans la décennie 1930, cette « première Révolution tranquille » au Québec (Dumont, 1978), mais sans parfois prendre acte que la première moitié de l’entre-deux-guerres constituait déjà le cadre de réalisation de plusieurs de ces processus.
Cent ans plus tard, le colloque « Les années 1920 au Québec : reconfiguration de l’espace culturel et nouvelles modélisations littéraires, artistiques et médiatiques » souhaite justement approfondir notre connaissance et notre compréhension de la décennie 1920 dans le cadre d’une histoire intégrée des pratiques littéraires, artistiques et médiatiques au Québec. Nous posons l’hypothèse que l’arrivée de technologies médiatiques novatrices, l’élargissement et la diversification des publics, et la mise en place de nouveaux rapports de concurrence, de complémentarité et de subordination entre les différentes instances de production, de médiation et de réception forment les trames principales de la redéfinition du champ culturel au Québec dans les années 1920. Comment s’opèrent ces transformations, selon quelles modalités de négociation économique, esthétique ou politique? Quels impacts ont-elles sur les pratiques d’écriture et de création artistique, ainsi que sur les trajectoires individuelles et collectives des divers agents culturels? Comment la nouvelle phase de mondialisation et le regain d’intérêt pour les pratiques folkloriques que connaît l’Occident dans les années 1920 se traduisent-ils dans le contexte culturel du Québec francophone et anglophone, urbain et rural, autochtone et immigrant?
C’est dans le sillage de ces réflexions que nous sollicitons des propositions portant sur le corpus québécois et issues des études littéraires et culturelles. Nous cherchons ici à renouer avec l’un des mandats de l’équipe « Penser l’histoire de la vie culturelle », celui de l’interdisciplinarité et de la mise en commun des savoirs historiques liés à la littérature, aux arts et à la culture. C’est à la lumière de ces échanges entre différents et différentes spécialistes que nous espérons saisir, de façon vaste et appuyée, la spécificité de la vie littéraire, artistique et culturelle au Québec et ses variations dans le contexte des « années folles ».
Les sujets suivants pourraient être abordés, sans s’y restreindre :
• La transformation des trajectoires littéraires, artistiques et culturelles dans les « années folles » : les repositionnements et les nouvelles stratégies d’acquisition et de pérennisation d’un capital symbolique/culturel/de visibilité au croisement de différents champs de forces (légitimité, acceptabilité, popularité)
• Perceptions, accueils et refus d’un « nouveau monde » : les traces d’une modernité en construction
• Transitions et transformations de la scène culturelle par le biais des nouveaux médias (cinéma sonore, radio, enregistrement sur disque)
• Gouvernance culturelle, pratiques artistiques sous-culturelles et contestataires
• Explorations de nouvelles avenues littéraires (génériques, thématiques, esthétiques) et négociations au sein d’un espace de liberté surveillée
• La configuration d’une francophonie nord-américaine en réseaux : les propositions mettant en lumière les échanges et flux entre les milieux littéraires, artistiques et culturels québécois et ceux de la francophonie canadienne (Ontario, Ouest) et américaine (Nouvelle-Angleterre) sont les bienvenues.
Les propositions de communications en français ou en anglais, comprenant un résumé d’environ 250 mots ainsi qu’une courte notice biographique, devront parvenir à Caroline Loranger (loranger.caroline@courrier.uqam.ca) par courriel d’ici le 5 juillet 2021. Les personnes dont les propositions seront retenues devront être membres de l’AQÉI au moment du colloque.
Call for papers – The 1920s: Reconfiguration of Cultural Space and New Models for Understanding Literary, Artistic and Media Production in Quebec
Université de Montréal
March 10-11, 2022
Organized by Stéphanie Bernier (CRILCQ-Université de Montréal), Vanessa Blais-Tremblay (CRILCQUniversité du Québec à Montréal, IREF), Caroline Loranger (CRILCQ-Université du Québec à Montréal) and Adrien Rannaud (University of Toronto) as part of the 60th Journées d’étude de l’Association québécoise pour l’étude de l’imprimé (AQÉI).
Parallels between the contemporary era, marked by the COVID-19 pandemic, and the « Roaring Twenties” which followed the Spanish flu epidemic of 1918-1919, can be heard with increasing frequency as the current sanitary crisis wears on. While such a comparison certainly calls for its share of nuances (Chabot, 2021), it is a similar longing for brighter days ahead that marks the return of the « Roaring Twenties » in public imagination—a chrononym designating a period characterized by significant economic, artistic and cultural effervescence on the one hand, but also one which gave rise to concerns that unfolded in the wake of the economic crisis of 1929.
Taking advantage of the resurgence of the « Roaring Twenties » in public discourse, the present conference invites researchers in literary and cultural studies to revisit the 1920s in Quebec. This event builds on the work of the La vie littéraire au Québec collective (Saint-Jacques and Robert [ed.], 2010) as well as on research on the history of cultural life in Quebec (Cambron [ed.], 2012; Lefebvre, 2016), which have shown that the 1920s were marked by a general feeling that is similar to the one we know today: the impression of experiencing a new world. Profoundly marked by world conflict, the democratization of access to new media (sound cinema, radio, gramophone), the development of the entertainment industry and the process of redefining culture as a whole, the 1920s decade is the one of revival, rethinking and innovation. The press, which began a period of unprecedented growth at that time, accelerated the circulation of other modes of expression in the social space and participated in their implementation (Cambron and al. [ed.], 2018). At the same time, the professional editorial system became more complex, which permitted the reach of a more diversified readership and public (Michon, 1999). This new stratification of the cultural space – understood here as the global field of literary and artistic practices – is correlated with attempts to reconfigurate cultural and media productions, which caused frictions between the local and the globalized that will not only have major consequences on artistic discourses but also on the positions of actors in the field. Among the factors redefining the cultural scene of the 1920s in Quebec, we note the involvement of the gay community in theaters and cinemas (Dagenais, 2017), the role of the Black community in the development of a burgeoning jazz scene in Montreal, and the launch of Mary Travers’s career (La Bolduc), considered the first woman popular singer-songwriter in Quebec. The visibility of women as producers and receivers of cultural discourse (Savoie, 2014), the emergence of a new literary generation oriented toward individualism (Robert, 1989), the beginning of an « age of criticism » (Hébert [ed.], 1992; Cellard and Lambert [ed.], 2018), the increased cross-border circulation of artists and musical works (P. Bouliane, 2015) and the consequences of « returns from Europe » (Lacroix, 2014) also form phenomena whose structural importance has often been grasped in the 1930s, that « first Quiet Revolution » in Quebec (Dumont, 1978), but without sometimes acknowledging that the first half of the interwar period already constituted the framework for the realization of many of these processes.
One hundred years later, the colloquium « The 1920s: Reconfiguration of Cultural Space and New Models for Understanding Literary, Artistic and Media Production in Quebec » aims to deepen our understanding of the 1920s within the framework of an integrated history of literary, artistic and media practices in Quebec. We hypothesize that widened access to new media, the enlargement and diversification of audiences, and the establishment of new relationships of competition, complementarity and subordination between the different instances of production, mediation and reception, form the main framework for the redefinition of the cultural field in Quebec in the 1920s. How did these transformations take place? According to which modalities of economic, aesthetic or political negotiation? What impact did they have on artistic activity, as well as on the individual and collective trajectories of various cultural agents? How was the new phase of globalization and the renewed interest in folklorein the West in the 1920s reflected in the cultural context of francophone and anglophone, urban and rural, indigenous and immigrant communities in Quebec?
It is in the wake of these reflections that we are soliciting proposals on Quebec arts and culture in the 1920s in a way that seeks to revive the interdisciplinary mandate of the « Penser l’histoire de la vie culturelle » team. In light of these exchanges, we hope to grasp the specificity of literary, artistic and cultural life in Quebec across a broad range of practices during the « Roaring Twenties”.
The following topics could be addressed, without being restricted to them:
• The transformation of literary, artistic and cultural trajectories in the « Roaring Twenties »: repositioning and new strategies of acquisition; perpetuation of a symbolic/cultural/visibility capital at the crossroads of different fields of forces (legitimacy, acceptability, popularity)
• Perceptions, reception and refusal of a « new world » ; tug-of-war for modernity’s meanings
• Transitions and transformations of the cultural scene through new media (sound cinema, radio, recording)
• Cultural governance, subcultural and protest-related artistic practices
• Explorations of new artistic and literary avenues (generic, thematic, aesthetic) and negotiation within a space of controlled freedom
• The configuration of a North American francophonie in networks: proposals highlighting the exchanges and circuits between the literary, artistic and cultural francophonie of Quebec, of the ROC (Ontario, the West, etc.), of the United-States (New England) and others are welcome.
Those interested in submitting a paper (in French or in English) are invited to send an abstract (250 words) and a short biography to Caroline Loranger (loranger.caroline@courrier.uqam.ca) by July 5th, 2021. Those whose proposals are accepted must be members of the AQÉI at the time of the conference.
Références
CAMBRON, Micheline (dir.) (2012), dossier « L’indiscipline de la culture », Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. 15, n° 1-2, p. 13-382.
CAMBRON, Micheline, Myriam CÔTÉ et Alex GAGNON (dir.) (2018), Les journaux québécois d’une guerre à l’autre. Deux états de la vie culturelle québécoise au XXe siècle, Québec, Codicille, coll. « Premières approches », 380 p.
CELLARD, Karine et Vincent LAMBERT (dir.) (2018), Espaces critiques. Écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960), Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 394 p.
CHABOT, Simon (2021), « À nous d’écrire l’histoire », La Presse, 28 février, [en ligne], https://www.lapresse.ca/societe/2021-02-28/un-an-de-pandemie/apres-la-pandemie-le-beautemps. php (consulté le 5 mars 2021).
DAGENAIS, Dominic (2017), Culture urbaine et homosexualité : pratiques et identités homosexuelles à Montréal, 1880-1929, thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, 403 p.
DUMONT, Fernand (1978), « Les années 30. La première Révolution tranquille », Idéologies au Canada français 1900-1939, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 1-20.
HÉBERT, Pierre (dir.) (1992), dossier « L’âge de la critique 1920-1940 », Voix et images, vol. 17, n° 2, p. 166-247.
LACROIX, Michel (2014), L’invention du retour d’Europe. Réseaux transatlantiques et transferts culturels au début du XXe siècle, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 348 p.
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